La Story de Thê-Minh, premier PM chez Hostnfly
Le métier de Product Manager n’est pas le même d’une entreprise à l’autre. Chaque contexte est différent. Par exemple, on peut tout à fait être PM et rejoindre une équipe d’autres PM. On travaillera sur un aspect du produit, on héritera du travail d’un autre PM et on aura un objectif bien précis.
Sinon on peut aussi être le premier PM de l’entreprise. Et dans ce cas, de quoi hérite-t-on ? De la vision technique du CTO ? De la vision Business du CEO ? Dans le meilleur des cas d’une ébauche de vision produit si l’un de fondateurs a une affinité pour ce sujet ? Ou d’aucune de ces trois propositions ? Quand on est premier PM, on doit s’attendre à tout (enfin surtout à rien).
Quel que soit le contexte de la startup, si les Fondateurs estiment avoir besoin d’un PM, c’est qu’ils souhaitent pallier un manque. Un manque de communication entre les équipes qui sont au contact des utilisateurs (Sales, Customer Support) et les équipes qui ont les compétences techniques pour faire évoluer le produit (Engineers). Les fondateurs souhaitent donc la mise en place d’une organisation orientée produit. Ils souhaitent créer de la cohérence entre les besoins des utilisateurs et les priorités de l'équipe technique ou encore être plus agile dans la livraison des nouvelles fonctionnalités. Vaste chantier ! Les objectifs sont nombreux, les tâches très variées, il est bien difficile de résumer en quelques mots la mission d’un ou d’une premier(e) Product Manager.
Rien de tel qu’un témoignage concret pour appréhender ce rôle. Voici donc la Story de Thê-Minh Trinh, premier PM chez Hostnfly de 2017 à 2020.
Premier PM : Faux départ 🏁
Formé au métier de PM suite à son expérience de Chef de produit en agence chez Fabernovel et son parcours en école d’ingénieur, Thê-Minh décide en 2016 de postuler dans une startup suédoise très early stage* en tant que PM. Il y a 4 ans, il n’existait pas beaucoup d'offres de PM en startups et le métier ne bénéficiait pas de la reconnaissance dont il bénéficie aujourd’hui en France. En faisant des recherches sur le thread “Who is hiring?” de Hackernews, il tombe sur une startup suédoise à ses débuts et pleine d’ambition. Il part à Stockholm après 2 entretiens et une rencontre avec l’équipe sur place, rejoindre le CEO et le CTO de l’application mobile Instabridge.
Assez rapidement, il réalise que le CEO est certes très charismatique et vendeur, mais que ce dernier ne peut pas le faire progresser en Product Management. Étant donné que Thê-Minh débutait en tant que PM, il y avait donc toujours un trou dans la raquette malgré son recrutement pour mettre en place une organisation produit rapidement. Voici quelques incohérences rencontrées chez Instabridge :
- Absence de focus produit : l’équipe s’est donc beaucoup dispersée pendant ces 3 mois;
- Pas assez de points de synchronisation CEO et PM;
- Trop peu de méthodologies Produit, notamment en Discovery. Par exemple, l’identification de problèmes et la recherche de solutions n’était pas en place. Thê-Minh a identifié cela au bout de quelques mois et l’a ensuite mis en place.
Thê-Minh nourrissait d’autres ambitions pour ce premier poste et conscient de ce faux pas, il ne s'attarda pas plus longtemps dans cette situation sans perspective. Il réalise aussi qu’il lui manque un peu d’expérience au sein d’une organisation Produit mieux établie et rejoint la startup Balinea à Paris, où il prendra en charge une partie bien précise du produit. Chez Balinea, il rejoint une équipe d’autres PM très qualifiés, telle que Pauline Marol, aujourd’hui VP Product chez PlayPlay, qui lui apporteront énormément. Il y apprend à construire une stratégie pour son produit et à organiser sa roadmap autour de cette vision.
* Voir lexique à la fin de l'article
Premier PM et cofondateur : quitte ou double 💯
Ce cas de faux départ en tant que premier PM dans une startup est assez classique. Il arrive souvent qu’un PM se voit confier la mission de créer une organisation produit mais n’a pas les moyens de le faire pour des raisons différentes.
Voici quelques exemples de situation inconfortables :
- Un des cofondateurs ne veut pas “lâcher son bébé” et n’accorde pas sa confiance nécessaire pour travailler correctement sur le produit. Les décisions sont constamment bloquées, les prises d’initiative freinées tant qu’elles n’ont pas été validées par le fondateur ;
- Les cofondateurs voient le produit comme le département qui traite les tickets du Customer Support seulement et n’accorde pas plus de moyens et de soutien pour que tout le reste de l’entreprise transitionne vers des rituels agiles et adoptent un point de vue User Centric ;
- Le CTO a une vision très technique de son produit et utilise toute la bande passante des développeurs pour réaliser cette vision malgré des retours utilisateurs à traiter. Le PM a donc pleins d’idées, mais aucun développeurs à disposition ;
Il existe évidemment bien d’autres scénarios. Ces situations montrent à quel point le métier de premier PM dans une startup repose sur la confiance des cofondateurs envers leur premier PM.
Si vous vous trouvez dans cette situation, alors la communication restera votre meilleure alliée. Posez la question à votre fondateur : sur quelle partie il veut garder la main ? Sur quelle partie pouvez-vous avancer en toute autonomie ?
Pourquoi PM en startup et pas en “Grosse boîte” ?
Thê-Minh sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas, c’est pourquoi il postule dans les startups très jeunes dont le produit vient d’atteindre la maturité suffisante pour commencer à faire du produit. Il y trouve une grande liberté dans ses initiatives et une grande diversité des tâches opérationnelles (Delivery*) et stratégiques (Discovery*). Thê-Minh aime travailler sur le produit dans son ensemble et serait frustré de ne travailler que sur un aspect très précis du produit.
Quand on est PM dans un startup, on n’a pas à notre disposition une équipe de User Research pour mener des Interviews Utilisateurs, une équipe de Data Analyst pour analyser des données et suivre les KPIs*, un Product Designer pour gérer l’aspect Design. Tout cela, le PM doit se débrouiller pour le faire lui-même ou avec l’aide des autres personnes de la startup. C’est le côté bootstrapping* du PM qui peut être très excitant en startup car il requiert inventivité et innovation.
Dans une entreprise plus mature et structurée, on peut trouver un onboarding plus organisé et on peut aussi apprendre de ses autres collègues PM. On découvre aussi la gestion de produit à une autre échelle avec plus de couches hiérarchiques et plus de process. Les challenges sont différents. Comment rester agile malgré des dépendances avec d’autres équipes et de la dette technique. C’est aussi passionnant ! Votre expérience variera selon l’équipe dans laquelle vous êtes et le périmètre du produit sur lequel vous travaillerez.
Les deux expériences sont très formatrices et il est toujours possible de passer dans une entreprise plus structurée après un passage en startup et inversement.
Premier PM : Le décollage 🚀
Thê-Minh rejoint Hostnfly en 2017 et y restera jusqu’à septembre 2020. Il y sera le premier PM, accompagné de 2 stagiaires PM durant ces 3 dernières années.
Hostnfly propose un service de conciergerie à toutes les personnes qui mettent leur appartement sur Airbnb. Publication de l’annonce, photos, gestion des clefs, du ménage, réparations éventuelles, Hostnfly s’occupe de tout. Le propriétaire de l’appartement n’a absolument plus rien à faire. Hostnfly s’occupe d’accueillir les voyageurs et de contacter un concierge qui s’occupera du logement avant et après la location. La startup est présente dans plusieurs grandes villes de France et d’Europe et aimerait ouvrir de plus en plus de régions en dehors des villes, comme la Côte d’Azur.
💰 Hostnfly : Business Model
Les fondateurs se sont lancés à Paris en 2016. Paris est l’un des plus gros marchés de Airbnb avec plus de 65 000 logements en 2019. Hostnfly est venu se placer sur ce marché bien précis.
Soit la startup encaisse chaque nuitée et reverse une partie au propriétaire du logement, soit elle anticipe le nombre de nuitées pour un logement et propose directement au propriétaire un revenu garanti mensuel (ex : 600€/mois). Cette anticipation est possible grâce aux algorithmes des Data Scientist qui prédisent le nombre de nuits. C’est un argument rassurant pour les propriétaires et aussi payant pour Hostnfly.
💰 Quelque soit votre rôle dans une entreprise, la base est de comprendre comment l'entreprise génère de l'argent et donc comment elle peut payer votre salaire.
Hostnfly : le contexte produit
En 2017, Thê-Minh rejoint une petite équipe de 21 personnes : les fondateurs, des Développeurs, des Data Scientists, des Customer Success Managers, des Marketing Manager. Hostnfly vient de lever des fonds. Le product market fit* a été trouvé, le produit est stable et utilisé par plusieurs milliers d’utilisateurs.
Dès les entretiens de recrutement, il réalise que le rôle d’un PM n’est pas connu de tout le monde. Une de ses premières missions sera de faire de l’évangélisation : expliquer ce qu’est le product management et en quoi cela peut aider la startup dans sa croissance.
Les produits Hostnfly sont :
- Un site internet sur lequel les propriétaires et les concierges peuvent s’inscrire et voir leurs réservations, les virements en attente, etc. ;
- Un back office sur lequel l’équipe de HostnFly peut gérer les logements dont ils sont responsables. Ils peuvent y gérer les réservations, les annonces, l’entretien, les prestataires externes, etc. ;
- Un autre back office pour les prestataires externes ;
- Une application mobile pour les agents de ménages ;
- Des algorithmes de prédictions du nombre de nuitées conçus par la Data ;
Thê-Minh a été embauché pour accomplir 3 objectifs :
- 🎯Améliorer les outils internes du back office pour faciliter la vie des concierges qui gèrent les appartements et tout rassembler au même endroit ;
- 🎯Améliorer tous les processus en interne pour faciliter le quotidien de toute l’équipe d’Hostnfly ;
- 🎯Améliorer globalement l’expérience des propriétaires, des voyageurs et des concierges.
L’observation
Comme tout bon PM qui vient d’arriver dans une entreprise, durant les premiers mois, Thê-Minh fait profil bas et observe. Il rencontre chaque département, comprend leurs enjeux : quel est l’argumentaire de vente de l’équipe Sales ? Quelles sont les plaintes auprès du Customer Support ? Que disent les clients sur les réseaux sociaux ? Il mène de nombreux entretiens utilisateurs pour bien comprendre les attentes de chacun, les frustrations. Il se confronte à leur réalité du terrain.
Au fur et à mesure qu’il avance sur le produit et interagit avec toutes ses parties prenantes, il construit sa vision pour la suite. Il échange beaucoup avec le CEO, qui lui a plus d’expérience avec son marché avant de commencer à livrer ses premières fonctionnalités.
Action !
Pour accomplir ces objectifs, Thê-Minh attaque une grosse phase de travail opérationnel en automatisant toutes les tâches répétitives et en branchant de nombreuses API externes sur le back office. Il travaille en direct avec le CEO et le CTO qui lui accordent leur confiance.
Le but est de rendre le back office le plus lisible pour les gérants des locations, passer d’une base de données bruts à un outil intuitif et visuel. Très vite, ils délivrent de nouvelles fonctionnalités sur le produit qui lui font gagner la confiance des développeurs.
La Confiance de la Tech
Cette confiance entre PM et développeurs est indispensable pour que le PM puisse accomplir sa mission. Il renforce d’ailleurs cette confiance avec les équipes Tech en apportant toujours plus de clarté et rappelant les objectifs Business. Pendant les premiers mois, il veille à leur montrer qu’il peut leur apporter quelque chose en tant que non-tech et ce en anticipant les détails techniques des projets sur lesquels il travaille ou encore en leur partageant les feedbacks des utilisateurs. Chez Hostnfly, Thê-Minh interagit avec toute l’équipe Tech. Cependant, selon lui, le nombre de 4 ou 5 développeurs pour un PM en moyenne est un bon nombre, car il permet de créer une relation de qualité.
L’équipe Tech aussi est sollicitée notamment dans la conception produit. Ils ont aussi une connaissance approfondie du produit et leurs savoirs techniques peuvent apporter beaucoup à la stratégie produit ou tout simplement régler des problèmes.
Agrandir l’équipe Produit
Le sujet du recrutement est arrivé en 2019 chez Hostnfly. Thê-Minh constate qu’il n’avait plus assez de temps pour “bien faire les choses” et aller au bout de certains projets. Thê-Minh avait aussi de moins en moins de temps pour toute la partie Discovery et veille produit.
Le besoin de recruter quelqu’un pour répartir la charge de travail se fait sentir. Étant donné le contexte de la crise actuelle pour le secteur touristique, ce recrutement n’a malheureusement (pour l’instant) pas eu lieu.
L’objectif était de recruter un PM en CDI et de lui confier un objectif précis ou un produit en particulier pour qu’il soit lui aussi autonome dans ses tâches au quotidien.
Finalement, c’est quoi un bon premier PM ?
On attend des PM en général d’avoir plusieurs Hard Skills et Soft Skills. Pour les Hard Skills : des connaissances techniques plus ou moins basiques, des notions de langage de programmation, connaissance des API, connaissances d’outils d’analyses de données etc.
Pour les Soft Skills : la communication, l’organisation, la vulgarisation, la rigueur, etc.
Pour un premier PM, on attend évidemment ces compétences, mais on attend surtout :
- De l’empathie, le PM doit se sentir concernés par les problèmes des utilisateurs mais aussi par les problèmes du Business et les enjeux de la croissance de l’entreprise ;
- De l’organisation, savoir prioriser, savoir communiquer, en interne, en externe, à l’écrit, à l’oral ;
- Une capacité d’analyse, savoir interpréter des feedbacks utilisateurs qualitatifs et quantitatifs ;
Le premier PM ne doit pas avoir peur de l’opérationnel. Il doit même avoir le goût de l’action et de l’exécution. Il faut aussi gérer l'ambiguïté du rôle de premier PM. Le reste de l’entreprise ne comprend pas forcément le rôle, donc il faut rester pédagogue et flexible car on peut être amené à faire des choses qui sortent du scope habituel du Product Management.
Le mot de la fin
Être le premier Product Manager d’une startup est un rôle passionnant qui peut être éprouvant sur le long terme. On est le seul moteur de l’organisation produit et cela demande beaucoup d’énergie au quotidien.
La suite logique du poste est de créer une équipe Produit donc d’embaucher (autre sujet passionnant). Tant qu’il n’y a pas eu d’embauche, le ou la PM doit continuer de tout faire seul(e). Parfois, les processus de recrutement peuvent être longs, il faut donc aussi avoir conscience qu’il s’agit d’un marathon et de toujours garder un bon équilibre de vie.
Aujourd’hui, Thê-Minh a lancé OuaŸ avec d’autres Product Managers. Il s’agit d’un collectif de PM bénévoles qui mettent leur expertise produit au service de projets sociaux et environnementaux. Les PM accompagnent donc les entrepreneurs de ces projets dans la construction de leur produit. Aujourd’hui le collectif travaille avec de nombreux acteurs de l’ESS comme Makesenses.org ou des entrepreneurs indépendants. Par ici pour en savoir plus.
Lexique
- Backlog : Le backlog c’est la liste de toutes les choses à faire ou à revoir sur un produit. Cela peut se matérialiser par une to-do-list, un Trello, etc.
- Bootstrapping : [Lacet de chaussures en anglais] Signifie un état d’esprit inventif, faire beaucoup avec pas grand chose, comme faire une corde à sauter avec des lacets de chaussures et la revendre 50€ sur Amazon, parce qu’elle est recyclée et made in France 😉
- Discovery (VS Delivery) : la partie plus stratégique du métier de PM - Élaboration de la vision produit, de la stratégie et de la roadmap sur 3, 6, 9 mois, veille compétitive ou encore entretien qualitatif ;
- Delivery (VS Discovery) : la partie plus opérationnelle du métier de PM - Gestion du backlog, écriture de tickets, gestion de bugs ;
- Early stage : Premier stade de développement d’une startup, le but étant de construire un premier MVP - Minimum Viable Product - pour le faire tester à des premiers utilisateurs. Le but est de prouver (au reste du monde et aux investisseurs potentiels) que le produit fonctionne et qu’il y a de la demande pour ce produit.
- KPI : Key Performance Indicator, c’est le chiffre que vous regardez le matin pour savoir si votre produit va bien. Par exemple chez Hostnfly, cela peut être le nombre de nuitée réservée par mois.
- Product Market Fit : Le moment où le produit a trouvé son marché. Ce moment où où une première masse critique d’utilisateurs (les Early Adopters) utilisent le produit
- Quick Win : Une fonctionnalité facile et rapide à coder qui vient répondre à une requête utilisateur
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