Product Manager : Joue-la comme Zidane 💪

Entraîneur de football vs. Product Manager, les similitudes entre ces deux rôles sont plus nombreuses qu'on ne le soupçonne. Que vous soyez un fan invétéré ou un PM qui se cherche, inspirez-vous du rôle d'entraîneur pour mieux cerner le vôtre.

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Product Manager vs. Entraineur de Football_article de Maxime Vilain

Après avoir fait la formation Product Manager de Maestro en cours du soir, Maxime Vilain a rejoint l’équipe Produit d’Arenametrix, le CRM de référence pour les lieux de loisirs (Stades, fédérations, théâtres, musées, parc d’attraction…), l’endroit parfait pour lier ses passions : le Sport, la Culture, la Data et le Produit. Dans cet article, il vous livre le parallèle entre son métier, et le rôle d'entraîneur qu'il admire.


L’intérêt du Football ne saurait se réduire qu’à des joueurs qui tapent dans un ballon sur un rectangle de pelouse. Non, avec plus de 150 ans d’histoires, le foot a suscité de nombreuses légendes sur le terrain, mais aussi dans les tribunes et dans les coulisses. C’est aussi un magnifique sujet d’observation. En effet, un club de foot est une organisation exacerbée par la passion. La vie quotidienne de ces PME est magnifiée et explicitée, que ce soit par les acclamations des supporters ou par les plumes des journalistes. Tous les détails, de la gestion financière d’un club à sa politique RH, sont étalés sur la place publique et sont débattus avec fureur dans des talk-shows ou dans les PMU de banlieue périphérique.

Camus disait que le foot lui avait appris tout ce qu’il savait de la morale, je dirais que le foot m’a tout appris sur le management. En effet, au-delà du joueur qui attire toute la lumière et des supporters qui font l’âme d’un club, une autre figure m’a toujours fascinée : L’Entraîneur. 

Également appelé Football Manager en anglais, c’est lui qui décide quels joueurs vont jouer et comment son équipe va être disposée. Il ne manie pas le ballon mais son discours est performatif, que ce soit pour haranguer ses troupes ou pour charmer les journalistes. Alors que j’embrasse la carrière de Product Manager, les parallèles avec le métier d’entraîneur me paraissent absolument évident. Sauf qu’au lieu d’entraîner des joueurs de foot, mon équipe est constituée de développeurs. 

L’équipe EST le produit

La principale différence entre un Product Manager (PM) et un Football Manager (FM), c’est que l’équipe de foot EST le produit et que les utilisateurs sont des supporters qui peuvent être invasifs. Imaginez quelques secondes tous les utilisateurs d’une application réunis dans un stade pour huer chaque bug et célébrer les releases. Imaginez qu’ils habitent tous dans votre quartier et qu’ils vous arrêtent pour vous dire que quand même, vous devriez vous servir davantage du burger button...

Le PM comme le FM ont un rapport complexe à leur équipe puisque dans la majorité des cas, elle ne lui appartient pas et beaucoup sont mieux payés que lui. Si l’équipe ne fonctionne pas, c’est le manager qui sera viré car il est beaucoup plus cher d’en changer les équipiers, développeurs comme joueurs. Ainsi, on retrouve souvent une posture de manager facilitateur qui va chercher à s’assurer que tous ses équipiers sont au clair sur ce qu’ils doivent faire, sans possibilité de faire les choses par soi-même. Il va optimiser les performances de son équipe par tous les moyens, que ce soit en expliquant la méthodologie, en faisant du coaching, ou en faisant de l’analyse. Mais il restera toujours au bord du terrain, à la fois maître et serviteur. Il pourra toutefois compter sur le soutien du Lead Dev qui pourra soit avoir un rôle proche du Capitaine en étant son relai sur le terrain, ou se rapprocher davantage du Directeur Sportif en fonction de sa capacité à avoir une position dominante.

Gérer un effectif

Manager une équipe, cela implique de recruter des équipiers et de les faire collaborer ensemble. Le manager étant un poste à risque, il n’aura pas forcément le luxe de choisir son équipe qui sera souvent là avant lui, et qui lui survivra. Un président pourra rechigner à recruter quelqu’un avec un contrat de 4 ans pour faire plaisir à un manager qui sera peut-être parti dans un an. Car si l’équipier arrête de faire des efforts lors du remplacement de son manager, il devient un poids mort particulièrement gênant pour l’institution.

Un joueur junior aura la plupart du temps un contrat de 4 ans car il ne sera vraiment performant qu’à partir de la seconde année et qu’il faudra qu’il lui reste 2 ans de contrat à la fin de cette saison pour pouvoir le retenir. À contrario, un joueur plus senior ne se verra offrir que 3 ans, car il n’aura pas besoin de s’adapter, mais on craindra qu’il soit trop vieux lors de la 4eme année… Un bon manager visera donc une pyramide d’âge équilibrée pour son équipe afin que les plus expérimentés encadrent les plus jeunes. Il veillera aussi à avoir des équipiers ayant des caractères et des egos compatibles pour qu’il y ait une émulation saine.

L’histoire de l’informatique étant récente, les pyramides d’âges dans le dev ressemblent encore à celles dans le foot avec finalement peu de développeurs ayant plus de 40 ans, ceux-ci ayant basculé dans l’encadrement. Le renouveau permanent de l’informatique va forcément favoriser les développeurs ayant reçu une formation sur les langages les plus récents. Un Product Manager devra se méfier du désengagement des devs qui pourraient être vite tentés d’aller voir ailleurs, que ce soit chez un concurrent, ou simplement en délaissant ses missions. profitant de la belle vie. La carrière d’un devs étant beaucoup plus longue que celle d’un joueur, vous n’aurez pas forcément des leviers efficaces pour le motiver à délivrer l’intensité nécessaire pour la réalisation de votre projet. Vous aurez également du mal à le faire venir sur place puisqu’il trouvera aisément des projets acceptant qu’il soit à distance, en temps partiel voire même à l’étranger. Un management coercitif pourra donc se révéler improductif, d’autant que les contrats se cassent assez facilement contrairement à ceux du foot.

Au-delà du salaire et des conditions du travail qui ne sont pas toujours de son ressort, le manager pourra insuffler une culture forte permettant d’attirer et de retenir des talents. Des équipiers peuvent rester juste car ils sont sensibles à la manière de collaborer et à l’élégance de leurs missions. C’est pourquoi la capacité du manager à embarquer son équipe est très importante que ce soit par la méthodologie de travail, la rigueur stratégique comme la vision et le coaching. Le premier outil du manager reste la parole, qu’elle soit interne avec ses équipes mais aussi avec tous les parties-prenantes. Le manager, c’est celui qui présente et qui représente. 

C’est pourquoi on voit de plus en plus de Product Manager assurer une vraie présence médiatique en expliquant sa vision du produit et de l’équipe dans des podcasts ou des conférences. C’est un enjeu de communication corporate (d’entreprise) afin de pouvoir attirer les meilleurs talents à des conditions tarifaires avantageuses. C’est une façon de dire “Je ne te promets pas l’argent, mais je te promets de belles missions”

Traduire pour ne pas trahir

Comme n’importe quel traducteur, il devra avoir conscience que “Traduire, c’est trahir”, qu’en traduisant la demande d’un customer success sous la forme d’un ticket compréhensible par les devs, il trahira forcément l’intention initiale. Et c’est tous les talents d’arriver à maintenir l’intention initiale intacte tout au long d’un processus de développement fait de compromis et d’arrangements. Il n’est pas rare de voir des features déployés qui ne répondent plus à la demande initiale car cette dernière a été perdue : Lost in translation!

Que ce soit dans le foot ou dans l’Agile, il y a des rituels à respecter qui sont importants. Il faut être là pour expliquer l’état d’avancement aux investisseurs, les raisons des bugs aux utilisateurs et rassurer tout le monde quant à la vision du produit. Denis Rodman, coéquipier de Michael Jordan aux Chicago Bulls, disait que pour lui, il n’était pas payé pour jouer au basket, mais bien pour se soumettre au jeu médiatique et publicitaire. Je pense qu’il a fondamentalement raison et cela s’applique aussi pour le Product Manager. Imaginer l’avenir du produit, et faire des maquettes, c’est rigolo, mais le Product Manager est aussi là pour se présenter devant le client ou la direction avec un reporting précis et des arguments clairs expliquant pourquoi l’équipe de devs n’a pas performé comme attendu ou pourquoi certaines fonctionnalités devront être amendées. 

Il fait aussi office de tampon entre les clients et les devs pour leur éviter de trop fortes pressions lorsque le projet devient critique et leur permettre de ne pas avoir une charge de représentation aussi bien en termes d'apparat que de jargon. Le Product Manager est un ambassadeur qui va faire le lien entre les différents partie-prenants qui ont tous des jargons et des visions très différentes. Chaque partie lui parlera de manière directe et ce sera à lui de retraiter cette parole pour la rendre compréhensible et acceptable par les autres. C’est pourquoi un bon Product Manager devra être à l’aise avec tout le monde et donc en maîtriser le jargon et l’habitus. Il devra donc être pertinent sur les discussions techniques tout en étant capable de gros efforts de diplomatie et de vulgarisation pour embarquer tout le monde derrière une vision qui fasse sens.

Travailler le Beau

“Le problème dans le foot, c’est qu’il y a des matchs”. Cette phrase de Gregory Schneider, prononcée sur le plateau de l’Équipe TV, est beaucoup plus sensée qu’il n’y paraît. En effet, le manager peut être étourdi par un entourage flatteur ou des investissements mirobolants jusqu’à oublier l’objectif principal : gagner un match ou proposer un produit utile. 

Alors que tout le monde à envie de faire joujou avec le projet ou de mener la belle vie, c’est la responsabilité du manager d’aller chercher les fameux 3 points de la victoire ou d’améliorer quelques KPI clefs. Mais il devra également composer avec une metric plus subjective : le Beau. 

Il sera parfois complexe d’accepter d’entendre un supporter réclamer du beau jeu alors que les victoires s’enchaînent, ou d’écouter un feedback négatif sur l’UX (= l’usage) alors que l’argent coule à flot. Pourtant, ces critiques sont souvent annonciatrices de crises futures et si l’on ne comprend pas ce que Beau veut dire pour nos clients, on risque de les voir partir à moyen terme, faisant tomber le premier domino de la déchéance. En effet, certaines performances n’apparaîtront dans les metrics qu’avec du retard, à la fin de la saison ou à l’heure de renouveler les abonnements.

Rater une qualification en Champion’s League, ou être relégué en division inférieure se compare aisément à la perte d’un contrat qui signifiera à très court-terme une réduction de la masse salariale avec des équipiers à guider poliment vers la sortie.

Évidemment, des ingénieurs n’auront pas les mêmes goûts que des professeurs, et certains pourront préférer le fonctionnel à l’esthétique. N’oublions pas qu’un mathématicien pourra apprécier l’élégance d’une équation. Le catenaccio italien et le tiki-taka espagnols sont deux conceptions radicalement différentes du foot qui ont su gagner à leur époque et qui sont appréciées très différemment. De même, ce qui fonctionne en BtoC ne sera pas forcément adapté en BtoB… et certains rappelleront inlassablement que l’essentiel, ce sont les 3 points de la victoire !

Objectiver la vision

Heureusement, le beau n’est pas complètement intangible et il existe de nombreuses façons de l’objectiver. Ainsi, on va chercher à regarder les statistiques, que ce soit le nombre de clics ou de passes-clés, la rétention des cohortes ou la capacité à convertir les expected goals (xG). Un grand pan du travail d’un Product Manager est d’arriver à faire parler la donnée et lui donner sens afin de se doter de certitudes sur la marche à suivre.

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Ceci dit, il faut faire attention à l’illusion d’objectivité que peut procurer l’analyse des données et avoir bien conscience que chaque récolte, chaque retraitement, chaque analyse, comporte des biais intrinsèques à maîtriser. Faire parler la donnée ne s’improvise pas et nécessite à la fois des compétences et une mise en place spécifique. De même que la règle des penaltys s’adapte aux contraintes de la VAR (Video Assistant Referee) pour permettre une analyse plus simple (et pas forcément meilleure), votre produit devra lui-même être pensé et conçu pour qu’il soit analysable.

De même, toutes les actions que vous demandez à votre équipe doivent être objectivées. C’est tout le principe de la méthode OKR : objectiver la vision et la décomposer en actions claires dont la validation est objective. L’objectif est atteint, ou il n’est pas atteint. Ainsi, on évitera de dire “Améliorer l’UX du partage” pour privilégier cette formulation : “Augmenter le nombre de partage de 10%”. Et il ne suffit pas de le dire, il faut mettre en place une organisation qui a accès aisément à ce genre d’informations et est capable de suivre ces metrics en évitant les biais principaux. Si vous passez plus de temps à faire du reporting qu’à travailler sur votre produit, ce sera contre productif.

Dans les clubs de foot, cela signifie que les entraînements sont filmés par des drones et que les joueurs sont équipés de GPS et de capteurs de données physiques afin de récolter des données qui seront retraitées par l’analyste vidéo et restituées avec l’entraîneur lors de séances vidéo avec toute l’équipe. Cela veut dire que le terrain est découpé en zone, que chaque passe est jugée selon plusieurs critères et que l’on va commencer à parler de sprints à haute intensité plus que de km parcourus. Etc.

L’arrivée des statistiques dans le sport est d’ailleurs le sujet du film “Le Stratège” (Moneyball en VO) qui montre comment Billy Beane, incarné par Brad Pitt, a mené son équipe de baseball au sommet en devenant complètement data-driven, réalisant une révolution copernicienne dans un secteur bien trop sûr de ses certitudes. Mais encore une fois, le problème, c’est qu’il y a des matchs, c’est qu’il y a des joueurs. Et si l’on a pas une vision à même de transcender les données, l’équipe n’ira pas loin. Certains managers seront capables de faire parler les données, d’autres ne s’en serviront que pour se rassurer et vous en croiserez qui les mettront complètement de côté faute de pouvoir les exploiter correctement. Il y a de nombreuses nuances de managers et chacun aura sa spécialité et sera pertinent dans un usage précis. Parfois même, les entraîneurs des grandes équipes peuvent se révéler incapable de manager des équipes plus modestes.

Conclusion

Le management, que ce soit d’un produit ou d’une équipe de foot, reste une discipline universelle et les inspirations sont nombreuses pour qui sait trouver les infos qu’il cherche. Le football, et le sport de manière générale, est une source quasiment inépuisable d’exemples, d’histoires et de métaphores qui peuvent parler à vos équipes, mais aussi à vos proches. La façon la plus simpliste d’expliquer le poste de Product Manager que j’ai trouvé, c’est de dire que je suis comme un entraîneur de foot, sauf qu’au lieu de joueurs, je travaille avec’ai des devs et que l’on déploie des features au lieu de marquer des buts.

Product Manager : Joue-la comme Zidane 💪
Maxime Vilain
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